Le développement des compétences

Bien que l’on s’attende à ce que la montée en qualification des emplois industriels soit accentuée par l’essor de l’industrie 4.0 et la demande croissante de designers, d’experts en données industrielles, de statisticiens des mégadonnées et d’analystes de la sécurité des données, le nombre d’emplois directement impliqués dans les activités de production et les activités administratives courantes devrait diminuer en raison du processus d’automatisation déjà engagé de longue date. En outre, des compétences non techniques et de communication seront demandées aux travailleurs, de plus en plus souvent amenés à travailler en équipe. En effet, en plus de détruire certains emplois et d’en créer d’autres, la technologie devrait transformer le contenu des fonctions en profondeur. En conséquence, il ne suffit pas de combler les lacunes bien connues en compétences numériques dans l’ensemble de la population de l’UE. D’autres compétences techniques et comportementales doivent les compléter afin que l’humain et la technologie demeurent interdépendants. Interdépendantes, la transition verte et cette révolution numérique changent la face de l’industrie à l’échelle mondiale. 

Pour relever ce défi, les représentants des travailleurs doivent demander des programmes de formation des travailleurs en préparation des nouvelles technologies qui vont être introduites et des évaluations régulières des tâches et des compétences des travailleurs afin de les mettre à jour avant qu’elles soient obsolètes.

 Ils doivent encourager la rotation des postes de travail pour plus de polyvalence, et élargir les attributions de chaque fonction. Ils doivent aussi contribuer au développement de systèmes d’évaluation et de validation des compétences des travailleurs afin de favoriser la mobilité entre les entreprises et les secteurs. Enfin, ils doivent coopérer avec les entreprises et les établissements d’enseignement afin d’organiser des cursus qui répondent aux besoins futurs du secteur industriel.

La « CNC Technology 2017 » est une norme pour la validation et la certification des connaissances et des compétences dans l’industrie métallurgique suédoise, définie sur trois niveaux :
• le certificat vert CNC Technology ;
• le certificat bleu CNC Technology ;
• le certificat noir CNC Technology.

Ces trois niveaux correspondent aux niveaux 4, 5 et 6 du cadre européen des certifications (CEC). Les certificats vert et bleu valident les compétences de base, et le certificat noir atteste d’une expertise approfondie et à la pointe de la technologie dans des branches spécifiques. Le contenu de ces certificats a été élaboré à partir de 1998 avec un projet pilote dans le comté de Gävleborg, financé par l’Agence suédoise pour l’emploi (Arbetsförmedlingen) et la société Lernia AB, et impliquant un réseau composé de l’IF Metall, d’entreprises locales et d’universités. Au sein du réseau, la société Mapaz AB s’est engagée à concevoir une infrastructure Internet pour appuyer la formation continue selon la norme ISO 9000. Le développement du système de validation et de certification dans l’industrie métallurgique s’est poursuivi depuis lors. Aujourd’hui, la société Skärteknikcentrum Sverige AB, détenue par l’Association suédoise pour les composants usinés (Svenska Skärteknikföreningen), est chargée d’élaborer le contenu des tests, de contrôler leur qualité et d’accréditer les centres d’examen. Il existe actuellement 94 centres d’examen répartis dans tout le pays et organisés par des universités, des établissements d’enseignement secondaire supérieur et des entreprises. L’infrastructure Internet soutenant l’ensemble du processus est détenue et gérée par Mapaz AB. Les acteurs privés de l’ensemble du secteur apportent les fonds nécessaires. Ce système est conçu pour aider les entreprises à identifier le personnel qualifié et à le recruter. Quant aux travailleurs, ils reçoivent, à l’issue du processus de validation, un certificat ou un plan de développement individuel pour acquérir les compétences et les connaissances qui leur manquent encore. Ce certificat favorise la mobilité des travailleurs sur le marché du travail.
Pour plus d’information, voir https://sktc.se
En Italie, lors du renouvellement en 2016 de la convention collective au niveau national pour le secteur métallurgique, l’organisation italienne des métallurgistes FIM-CISL et les autres fédérations syndicales, la FIOM-CGIL et l’UILMUIL, ainsi que les organisations patronales, Federmeccanica et Assistal, ont introduit un « droit individuel à la formation ». Ainsi, chaque métallurgiste employé dans l’une des entreprises visées par la convention a droit à 24 heures de formation en 3 ans. Si, après 2 ans, les travailleurs n’ont pas encore été engagés dans un parcours de formation organisé par l’entreprise, ils peuvent assister à des cours externes aux frais de l’entreprise, pour un maximum de 300 euros. La convention collective renouvelée en 2021 a précisé la définition du « droit individuel à la formation » en insistant sur l’analyse des besoins en compétences des travailleurs et des entreprises et sur le suivi des activités de formation, qui doivent être menés par les partenaires sociaux décentralisés. En outre, afin de faciliter la planification, l’organisation et l’enregistrement des activités de formation par les entreprises, les syndicats du secteur et les organisations patronales se sont mis d’accord sur la définition d’un protocole permettant de financer annuellement la prestation de services de formation à l’échelle nationale par des contributions de l’entreprise d’un montant de 1,5 € par travailleur. Ces services, particulièrement destinés aux petites et moyennes entreprises, concerneraient, notamment, la création d’une plateforme nationale pour planifier et consigner les heures de formation des travailleurs au moyen de la technologie de la chaîne de blocs, la mise à disposition de plans de développement des compétences numériques et non techniques pour les apprentis, et l’aide à la conception de parcours de formation en alternance
En 2020, après une analyse de la situation et des perspectives d’évolution des industries concernées, les syndicats et les organisations patronales des secteurs du textile, de la mode et du cuir ont rédigé un mémorandum commun visant à encourager des politiques sectorielles pour une gouvernance partagée de la transition technologique et écologique. Il est intéressant de noter qu’en plus de la définition des feuilles de route pour les transformations numériques et environnementales, les investissements dans la formation des travailleurs et l’installation de centres de formation sectoriels figurent parmi les priorités. Dans le mémorandum signé en 2020, les partenaires sociaux de l’industrie chimique ont aussi accordé une attention particulière à la formation continue. Le texte du mémorandum souligne l’importance d’adapter la formation et le développement des compétences des travailleurs aux besoins réels de l’entreprise, de procurer aux entreprises et aux syndicats des bonnes pratiques et des exemples concrets sur l’amélioration des capacités d’adaptation des travailleurs aux changements technologiques grâce à la formation continue, et de mener à bien des projets conjoints entre syndicats et organisations patronales dans le cadre des programmes opérationnels nationaux « Développement des ressources humaines » et « Compétitivité » (2021-2027). Plusieurs projets conjoints sur la formation des travailleurs, basés sur les besoins des employeurs et des travailleurs, sont déjà menés dans le secteur métallurgique. En outre, dans le cadre de ces programmes opérationnels, la confédération syndicale bulgare, la CITUB, a récemment lancé une initiative visant à créer 450 nouveaux profils professionnels possédant des compétences numériques dans 90 secteurs économiques. Les profils doivent être testés lors d’expériences collectives au niveau du secteur. Une fois que les compétences nécessaires auront été définies, les programmes et les parcours de formation correspondant aux professions identifiées seront mis au point. Ils seront ensuite dispensés par les centres de formation professionnelle agréés par l’agence nationale spécialisée, la NAVET.
Lors du nouveau cycle de négociations collectives de 2018, le syndicat allemand des métallurgistes (Industriegewerkschaft Metall – IG Metall) a donné aux travailleurs le droit de demander un « entretien de qualification », lors duquel ils peuvent faire connaître leurs besoins de formation à leur employeur. Cet entretien est précédé d’une discussion entre le travailleur et le conseil d’entreprise, afin d’évaluer la situation dans son ensemble et de déterminer si une formation complémentaire est nécessaire ou du moins opportune pour l’entreprise. Si une formation complémentaire est jugée nécessaire, l’employeur est tenu d’en assumer les coûts et de libérer le travailleur de son poste pendant la durée du programme de formation. Si une formation complémentaire est jugée opportune, l’employeur doit accorder au travailleur un « temps partiel de formation » (jusqu’à 7 ans, avant un retour à la durée normale du travail). Cette mesure peut être financée soit par un compte de formation spécifique, le travailleur continuant à percevoir et engranger les heures supplémentaires et les indemnités pour travail le dimanche ou les jours fériés, soit par des congés sabbatiques accordés par l’employeur. Inversement, si la formation continue relève du seul souhait du travailleur, celui-ci doit y consacrer son temps personnel et en assumer les coûts. Il est intéressant de noter également qu’après l’« entretien de qualification », l’employeur et le travailleur doivent normalement parvenir à un accord sur la formation, qui précise la durée du programme, ses principales caractéristiques (à temps partiel ou à temps plein), son financement et le retour au travail normal. Cet accord doit aussi être présenté au conseil d’entreprise, qui est habilité à conseiller les travailleurs sur ces questions.
Le 12 juin 2019, en Allemagne, la stratégie nationale en matière de compétences (NWS) a été lancée par le ministère fédéral du Travail et des Affaires sociales (BMAS) et le ministère fédéral de l’Éducation et de la Recherche (BMBF), en collaboration avec l’Agence fédérale pour l’emploi (BA), les gouvernements régionaux et les partenaires sociaux. La confédération DGB et ses principales organisations sectorielles, dont IG Metall et IG BCE pour l’industrie manufacturière, comptent parmi les syndicats impliqués dans la Stratégie. Les partenaires de la Stratégie se donnent pour objectif de regrouper leurs activités de formation et de les faire correspondre aux besoins des employeurs et des travailleurs, dans un effort de construction d’une culture de l’éducation permanente et de la formation continue (CEF), qui est une nécessité pour la vitalité de l’économie et une garantie pour les travailleurs et la société dans un monde du travail en mutation. En particulier, tous les partenaires se sont mis d’accord sur des activités à réaliser en vue d’atteindre les dix objectifs suivants : asseoir la transparence des opportunités et des programmes de CEF, principalement par l’expansion des structures locales de conseil et le développement de plateformes en ligne et de portails d’information ; combler les lacunes dans l’accompagnement et instaurer de nouveaux incitants à la formation, principalement en accordant des congés de formation subventionnés par l’État et des congés de formation à temps partiel pour les travailleurs, en étendant les régimes de primes à la formation continue et en mettant en œuvre des projets ciblés ; coordonner l’accompagnement de la CEF à l’échelle nationale et renforcer l’accompagnement au développement des compétences, en particulier pour les petites et moyennes entreprises ; approfondir les responsabilités des partenaires sociaux, principalement en les impliquant dans l’identification de parcours de transformation sur les lieux de travail et de leurs effets sur les compétences en concluant des accords en matière de formation des travailleurs ; accroître la visibilité et la reconnaissance des compétences acquises par les travailleurs grâce à la formation et à l’enseignement professionnel ; développer des qualifications de formation continue et des programmes de CEF ; renforcer la planification stratégique et optimiser les statistiques sur la CEF.
Pour plus d’information, voir https://www.bmas.de/SharedDocs/Downloads/EN/Topics/Initial-andContinuing-Training/national-skills-strategy.pdf?__blob=publicationFile&v=7.